Jonas – chapitre 1

Jonas 1

Tout commence mal. Une véritable tragédie qui n’a rien à envier à Sophocle !

Une tragédie mais qui interroge. Est-on obligé de faire ce que Dieu veut ? Où est notre libre arbitre ? On s’en tirera en se rappelant que c’est ici un conte, et qu’il faut bien que le suspens
se mette en place, et rapidement car l’histoire est courte.

Et puis, les premiers mots : La parole de l’Eternel fut adressée…, qualifient d’emblée Jonas comme un prophète, un messager de Dieu. Sa vocation l’appelle à parler au nom de Dieu. Au
delà de la qualification de Jonas comme prophète, se pose, pour nous la question : que faisons-nous de la parole que Dieu nous adresse ? Entendons-nous ce qu’Il nous dit ?

Jonas a, étymologiquement, deux sens : l’écrasement ou la colombe. Tout un programme. Notre prophète doit annoncer le châtiment à la manière de la colombe, qui dans l’histoire de
Noé, vient dire que la colère de Dieu a cessé, que la vie peut à nouveau s’épanouir.

Mais avant d’entendre le message (délicat) à délivrer aux Ninivites, les premiers mots de Dieu à Jonas sont Lève-toi (littéralement : Debout !), va… (1.2). La Parole de Dieu est d’abord et
avant tout, une Parole qui met debout et qui envoie, qui met en mouvement.

Tout semble se gâter avec le cœur du message ! Voilà que notre héros doit aller à Ninive, ville plus méchante que les autres villes. Le royaume des Assyriens battait tous les records de
cruauté (je vous en épargne les détails). Jonas porte-parole de Dieu qui estime qu’il y a des limites à ne pas dépasser. On voudrait que Dieu pose encore des limites aujourd’hui, l’injustice
et la cruauté n’ayant pas disparues, loin de là. Mais oserions-nous dire « stop » aux grands et aux puissants de ce monde ? Je vous laisse la question à méditer…

Et Jonas de se lever (la parole de Dieu ne laisse pas insensible) pour fuir. Il ne dit rien [1] mais sa fuite est un NON catégorique et éloquent. Il ne tente même pas de ménager la chèvre et le chou.

A ce moment-là de l’histoire, on ignore pourquoi Jonas refuse d’obéir. Ce n’est pas un manque de courage. Un pleutre n’agirait pas ainsi et d’ailleurs la suite du récit nous montre bien qu’il
n’est pas un peureux. Déjà, il ose s’embarquer sur la mer, lieu que les Israélites craignaient plus que tout.

Une explication parmi d’autre : Jonas veut garder la Parole de Dieu, le salut, pour lui (donc pour son peuple). Il sait que si les Ninivites se mettaient à l’écouter, la miséricorde de Dieu
leur serait accordée. Il connait son Dieu, Jonas. Il sait que c’est un Dieu d’amour et de miséricorde.

Il oublie juste qu’il (pas plus que nous d’ailleurs) ne peut fuir de devant la face de l’Eternel. Et que quand Dieu a une idée en tête…et Dieu veut que les Ninivites aient leur chance. Mais pour l’heure, Jonas embarque, part, loin et se cache au fin fond du bateau.

Alphonse Maillot nomme cette scène « la partie de cache-cache avec Dieu » ! Jonas fait le mort au fond de la cale, pendant que Dieu essaie de le faire sortir de sa cachette par une
tempête. Il y parviendra grâce à un capitaine païen. Ce dernier se rend compte que toute sa science maritime ne sert à rien, que ses prières et celles de ses matelots ne servent à rien. Ce
qui arrive le dépasse et il comprend que l’endormi de la cale a un secret…Selon les coutumes de l’époque, on tire au sort…il est temps, pour Jonas, de révéler son secret. Mais c’est la
panique car, selon la traduction choisie (verset 3) soit Jonas « paie le prix » (de sa place) soit Jonas « affrète » (le navire) dans ce second cas, Jonas est l’armateur du navire, le chef. On
comprend mieux alors la réticence des marins à le jeter par-dessus bord et tenter coûte que coûte de gagner le rivage.

Deux lectures possibles pour la suite. Soit Jonas comprend qu’il ne peut fuir plus longtemps devant Dieu, qu’il faut sauver les marins et qu’en étant jeté à la mer tout rentrera dans l’ordre.
Il assumerait ainsi sa fuite qu’il comprend être une mauvaise idée. Et Dieu fera ce qu’il voudra. Soit Jonas se dit qu’il va pouvoir fuir de manière radicale devant Dieu, par suicide
interposé…donc un suicide sans pécher ! Il est prêt à tout pour que les Ninivites n’entendent pas son message ; même dure cette Parole, resterait une Parole venant de Dieu, une brèche
ouverte. Jonas veut, pour les Ninivites la pire des choses : le silence de Dieu…quitte à y perdre sa vie.

J’aime cette seconde interprétation. D’autant qu’à peine à l’eau, Jonas perd sur tous les tableaux : le grand poisson [2] lui sauve la vie (j’anticipe sur le chapitre suivant, 2.1) et, ce qu’il
ne voit pas c’est qu’à peine la mer calmée, les matelots païens offrirent un sacrifice à l’Eternel et firent des vœux (1.16). Il a réussi à convertir tout un équipage…en fera-t-il de même avec
les habitants de Ninive ?!

 

[1] Contrairement à Moïse et bien d’autres prophètes qui cherchent des excuses pour se ne pas accomplir leur mission avec l’assentiment de Dieu qui comprendrait avoir fait un mauvais choix…mais Dieu nous connait mieux que nous-mêmes. Il a plus confiance en nous que nous ; c’est que nous avons trop tendance à ne compter que sur nous-mêmes oubliant que s’il nous envoie, il nous accompagne.

[2]  Qui n’est pas une baleine ! 

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