Prédication

Prédication du 09.10.2022

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2 Timothée 2 8-13
Souviens-toi de Jésus-Christ, qui s’est réveillé d’entre les morts, et qui est issu de la
descendance de David, selon ma bonne nouvelle, pour laquelle je supporte les
souffrances, même celle d’être prisonnier comme un malfaiteur. Mais la parole de Dieu
n’est pas prisonnière. C’est pourquoi j’endure tout à cause de ceux qui ont été choisis,
afin qu’eux aussi accèdent au salut qui est en Jésus-Christ, avec une gloire éternelle.
Cette parole est certaine : si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui ; si
nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera
; si nous manquons de foi, lui demeure digne de foi, car il ne peut se renier lui-même.
Luc 17 11-19
Au cours de son voyage vers Jérusalem, il passait entre la Samarie et la Galilée. Comme
il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Se tenant à distance, ils
élevèrent la voix et dirent : Jésus, maître, aie compassion de nous ! Quand il les vit, il
leur dit : Allez-vous montrer aux prêtres. Pendant qu’ils y allaient, ils furent purifiés.
L’un d’eux, se voyant guéri, revint sur ses pas, glorifiant Dieu à pleine voix. Il tomba
face contre terre aux pieds de Jésus et lui rendit grâce. C’était un Samaritain. Jésus
demanda : N’ont-ils pas été purifiés tous les dix ? Et les neuf autres, où sont-ils ? Ne
s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir donner gloire à Dieu ? Puis il lui dit : Lèvetoi et va ; ta foi t’a sauvé.
La reconnaissance
Replaçons-nous en premier lieu dans le contexte de l’épitre à Timothée. Paul
après avoir créé l’église d’Ephèse, ce que l’on retrouve dans les actes des
Apôtres (20-25), après avoir poursuivi sa mission d’évangélisation en Espagne,
Crète et Macédoine, Paul est emprisonné à Rome par Néron.
Alors qu’il aborde le dernier chemin de sa vie, sa dernière course comme il le dit
(4-7), il écrit ou fait écrire (les exégètes sont encore en recherche sur ce point)
deux lettres à Timothée en charge désormais de l’église d’Ephèse.
Ces épitres, que je vous invite à lire en entier car ils se lisent aujourd’hui comme
un testament pour tout un chacun qui souhaite comprendre la charge d’une
mission pastorale. Dans les versets qui nous occupent ce matin, nous voyons
l’apôtre Paul rester humain, profondément humain, malgré son emprisonnement.
Humain, parce qu’il s’exprime sans haine, sans crainte ni amertume ; humain parce
que s’il est contraint physiquement il ne l’est pas intellectuellement car, dit-il, la
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Parole de Dieu n’est pas prisonnière. La Parole de Paul lorsqu’il professe sa foi
est libre.
C’est pourquoi j’endure tout à cause de ceux qui ont été choisis, afin qu’eux
aussi accèdent au salut qui est en Jésus-Christ, avec une gloire éternelle,
explique-t-il à son disciple pour le renforcer dans son engagement car lui aussi a
été choisi.
A cet instant de sa vie, la foi le sauve intellectuellement de l’emprisonnement,
parce qu’elle le projette dans un temps à venir, celui ou sa persévérance
l’entrainera à vivre le salut en Jésus-Christ ; là où il sera définitivement sauvé
car il ne s’est jamais renié.
Intéressons-nous maintenant aux dix lépreux du texte de Luc qui nous retrace
un épisode de la vie missionnaire de Jésus. Habités par les mots de Paul que nous
avons entendus, nous poursuivons notre chemin matinal dans la Parole pour
rejoindre un Samaritain (encore un) qui sera le fil rouge à notre histoire.
A la suite de Luc nous voici en contemplation de ces dix lépreux qui viennent à la
rencontre de Jésus appelant à haute voix sa compassion, mais à distance, parce
que ce sont des proscrits qui ne peuvent vivre qu’entre eux, ce sont des interdits
du temple, des interdits de communauté, bref des impurs pour la population juive
comme non juive,
Ayant entendu, les guérisons qui accompagnent le parcours du Christ dans la
Samarie et en Galilée, ils élèvent leurs voix ensemble pour se tourner vers ce
Maître qui passe à leur portée.
Pas de demande sur la vie éternelle ici, pas de question sur le devenir dans l’audelà, pas de question philosophique ni existentielle sur la vie et la mort, pas de
récrimination sur l’injustice de leur sort, mais simplement, si je puis dire, l’espoir
de retrouver une vie normale.
Alors avec cette espérance qui les anime, ils font appel à la compassion du
Seigneur. Cette compassion dont le Christ soulignera régulièrement toute
l’importance comme dans la parabole du bon samaritain (encore un) rappelezvous : Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé
aux mains des bandits ? Il répondit : C’est celui qui a montré de la compassion
envers lui. Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même.
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Cette compassion est la prédisposition que Dieu nous donne pour nous
reconnaître dans la souffrance d’autrui. Nul doute que cette prédisposition que
nous avons tous reçue et que nous utilisons parfois, était démultipliée chez
Jésus !
Alors sans les guérir dans l’instant, mais pour les laisser cheminer dans leur
espérance, Jésus les envoie se montrer aux prêtres qui sont les seuls habilités
pour constater une guérison et les réinsérer dans tous les pans de la société.
C’est en chemin qu’ils guériront de leur maladie. C’est peut-être, au-delà de
l’espérance qui les a conduits auprès de ce Seigneur, la première manifestation
d’une foi naissante. Partir simplement sur une injonction sans encore être guéri,
mais simplement sur la promesse d’une guérison, c’est un acte de foi. Ils passent
ainsi de l’espérance à la confiance, de la confiance à la foi. Vivre de la bonne
nouvelle, avancer avec la promesse d’une gloire éternelle, voilà le chemin
d’espérance puis de foi que nous avons à expérimenter à leur suite.
Paul était enfermé dans sa prison, comme les lépreux dans leur maladie, tous
isolés physiquement de l’extérieur. La foi dans la Parole du Christ qui les envoie
sur un nouveau chemin de vie qui se comprend avec les mots de Paul dans sa
lettre à Timothée : Cette parole est certaine : si nous sommes morts avec lui,
nous vivrons aussi avec lui.
La Parole du Christ les envoie auprès des prêtres, comme il est énoncé dans le
lévitique (14 1-4) , ce que les lépreux devaient connaître : L’Eternel dit à Moïse:
«Voici quelle sera la loi sur le lépreux pour le jour de sa purification. On
l’amènera devant le prêtre. Le prêtre sortira du camp et examinera le lépreux.
Si le lépreux est guéri de la plaie de la lèpre, le prêtre ordonnera que l’on
prenne, pour celui qui doit être purifié, deux oiseaux vivants et purs, du bois de
cèdre, du cramoisi et de l’hysope.
En chemin, un seul lépreux perçoit le besoin, se voyant guérit, d’exprimer sa
reconnaissance à cet homme qui l’a délivré. C’est un étranger pourtant puisqu’il
est samaritain, mais la compassion de Dieu, l’amour de Dieu s’est exprimée pour
lui comme pour les autres, comme pour nous, lorsque nous le sollicitons par
l’intercession de son fils.
Le voici donc seul à louer Dieu à pleine voix, allant à se jeter aux pieds de Jésus
et lui rend grâce pour l’intercession dont il a bénéficié. Ce samaritain est passé
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de la foi-espérance qui s’est manifesté dans l’attente de la guérison, à la foireconnaissance qui s’exprime par la louange.
Je trouve dans ce texte une forme de réflexion philosophique moderne sur la
reconnaissance qui se décompose en trois sphères : (Hegel)
 La « reconnaissance amoureuse » correspond aux besoins physiques et
psychiques fondamentaux de l’homme à travers la « confiance en soi »
apporté par les proches,
 La « reconnaissance juridique » qui repose sur la garantie des droits
fondamentaux entre les individus permettant le « respect de soi ».
 La « reconnaissance culturelle » qui est le fait d’apporter une contribution
sociale à la société permettant l’ « estime de soi ».
Comment se dit Jésus, un seul sur les dix est venu exprimer de la reconnaissance
à Dieu ? J’aime à penser qu’il y a comme un peu de désappointement dans cette
phrase, comme si la part humaine du Christ, son besoin d’estime, pour lui et pour
Dieu dont il est le fils, l’emportait dans cette séquence sur sa part divine.
Ainsi au-delà de la reconnaissance juridique qui sera recherchée auprès des
grands prêtres, le samaritain exprime d’abord la reconnaissance culturelle qui
n’est autre que la louange à Dieu comme témoignage de l’estime portée à ce
Maître, dont l’action, la prière, bref l’intercession l’a délivré. Combien aurait été
frustrante l’action de ce Sauveur, s’il n’avait reçu de temps en temps des
marques de gratitudes ! Combien il serait affligeant pour nous de ne pas rendre à
Dieu ce qui est à Dieu par nos louanges.
Dans les relations que nous tissons dans nos sociétés, dans nos églises, dans nos
familles, dans nos couples, sachons reconnaître le mérite de l’autre dans ce qu’il
fait et pour ce qu’il est. Alors celui-ci à son tour pourra également comprendre
que nous sommes nous aussi en attente d’être reconnu pour ce que nous sommes
comme pour ce que nous faisons.
La compassion, la reconnaissance donnée comme celle reçue donne du sens à
notre vie. Les résultats à obtenir d’une expression de reconnaissance, dans notre
travail, dans nos actions de bénévolat, dans nos relations familiales sont
inestimables, jugez-en par vous-même : les philosophes nous parlent de confiance
en soi, respect de soi, estime de soi.
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C’est le triptyque qui devrait guider toute action de management dans les
entreprises, toute relation humaine dans les familles comme dans les
associations. C’est bien là la modernité de l’enseignement de Jésus que nous
pouvons retirer de ce texte, lui qui y exprime au détour d’un verset, un besoin de
reconnaissance pour lui et pour Dieu !
Sachons dans notre vie de tous les jours, concevoir avec l’appui du philosophe
Paul Ricoeur, que la reconnaissance présente deux dimensions, l’une active, qui
est le fait de reconnaître l’autre, et l’autre passive, qui correspond à la demande
pour être reconnu (Ricœur, 2004 ).
Comprenons que dans notre relation à Dieu, nous sommes à la fois passifs en
recevant sa grâce et nous nous devons être actifs en le louant. La foi est c’est un
tout. C’est la confiance et la reconnaissance, l’un ne va pas sans l’autre, l’un
s’alimente à l’autre :
 Confiance car je sais aujourd’hui à qui je dois la grâce reçue,
 Reconnaissance en la vie éternelle, pour le jour où faisant le bilan de ma
vie, j’exprimerai une dernière louange.
Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi
nous reniera ; si nous manquons de foi, lui demeure digne de foi, car il ne peut se
renier lui-même.
Soyons persévérants malgré nos doutes, ne renonçons pas à vivre pleinement
notre foi ici et hors du temple, louons le Seigneur pour que nos âmes restent
joyeuses, soyons reconnaissants pour l’amitié et le travail de ceux qui nous
entourent. Que l’enseignement nous délivre. AMEN

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