Jonas – chapitre 3


                                                                                                        Jonas 3


On prend les mêmes et on recommence ! Le chapitre 3 commence comme le chapitre 1 : La parole de l’Eternel… (1.1/3.1) On peut se demander pourquoi Dieu n’a pas adressé la parole à un autre que Jonas. Il n’est pas motivé, peut-on vraiment compter sur lui pour une mission délicate, importante ? Oui, pense notre Dieu entêté ! Malgré sa fuite, il continue à avoir confiance en Jonas, malgré nos fuites, il continue à compter sur nous plutôt que de chercher d’autres bonnes volontés pour nous remplacer. Nous sommes irremplaçables aux yeux de Dieu…


Mais cette fois l’Eternel ne dit pas à Jonas de crier contre Ninive mais d’y faire la proclamation que je te dis (3.2). Pourquoi cette nuance ? Sûrement pas pour prendre Jonas avec des pincettes, notre prophète sait bien ce qu’il va devoir dire ! Sans doute plutôt pour préciser à Jonas de dire uniquement ce que Dieu lui dira de dire, de ne pas ajouter quelques phrases de son cru, et ainsi, transformer la parole de Dieu en parole humaine.


A nouveau Jonas entend la parole de l’Eternel, se lève…et se rend à Ninive. La grande ville pleine d’injustice et de violence. J’imagine notre Jonas, pas trop enthousiaste, faire sa première journée de marche en criant le message de Dieu : « Encore 40 jours et Ninive sera bouleversée ». Pas un mot de plus, pas un mot de moins. Et Jonas, de se dire que s’il survit à son message, il verra la ville bouleversée. Jonas dit le message en espérant qu’il s’accomplisse. Il ne croit pas que le message de Dieu puisse retentir au plus profond des « méchants ». Ne ressemblons-nous pas à Jonas à bien des égards ?…


Sauf que, malgré son manque de conviction, Jonas fait réfléchir, se fait entendre : Les gens de Ninive crurent en Dieu (3.5). A peine une journée de marche à crier une phrase en boucle et la grande ville se repent, décide de changer de comportement. Ce serait si facile que ça, l’évangélisation ?…


La suite est tout aussi intéressante. C’est le peuple qui écoute d’abord les paroles de Jonas et qui les prend au sérieux. Sans qu’on ne leur demande rien, les Ninivites s’habillent d’un sac et décrètent un jeûne (3.5). C’est alors que toute cette affaire parvient au roi qui se met à hurler (littéralement, 3.7) son décret…déjà en application ! Au milieu du verset 7, il y a un jeu de mot qu’on ne peut rendre en français. Le roi exige que plus personne ne goûte plus à rien. En hébreu, le mot « ordre » est le même que le mot « goût » : il est du goût (du bon plaisir = l’ordre) du roi que plus personne ne goûte à rien.

Jonas devrait être heureux, à peine a-t-il ouvert la bouche que même le roi l’écoute et le prend au sérieux. La terrible Ninive a trouvé le chemin de la repentance.


Nous trouvons aussi au verset 8 une précision à ne pas négliger : le roi exige que chacun revienne de la violence attachée aux paumes de ses mains. La conversion n’est pas seulement
religieuse. Mais un changement quant à l’exercice de la violence (que nous avons déjà précisée extrême dans ce royaume d’Assyrie) est décidé. Là encore cela nous interroge : croyons-nous
vraiment que les courriers et les prières de l’ACAT, par exemple, peuvent être aussi efficaces que la prédication laconique de Jonas ? Croyons-nous vraiment à la puissance de la Parole de
Dieu ? Décidément, cette histoire pleine d’humour et de rebondissements hauts en couleur, contient des questions bien plus profondes pour qui prend le temps de lire entre les lignes.
Autre chose est à souligner dans une étude biblique. Depuis le début du livre de Jonas, la distinction est très nette entre l’emploi du tétragramme (YHWH) traduit par Eternel ou
Seigneur dans nos Bibles et qui se rapporte à Jonas. Et le mot générique pour dire dieu(x) dans les autres cas. Par exemple, c’est l’Eternel qui s’adresse à Jonas (1.1) mais le capitaine lui
demande d’invoquer son dieu (1.6). Et une fois les flots calmés, ces marins invoquent l’Eternel (1.14), le Dieu de Jonas si puissant. Or, dans le verset Les gens de Ninive crurent en Dieu (3.5)
ce n’est pas le tétragramme qui est utilisé. Maillot a cette très belle explication : Jonas, dans sa prédication, n’a pas parlé de l’Eternel (YHWH) mais de la divinité. C’est-à-dire qu’il n’a pas
demandé aux Ninivites de devenir Juifs. Il les a prévenus que la divinité était en colère contre eux. Et, c’est cela qui est important pour nous, il a parlé leur langage religieux ; il a dit des mots
qu’ils pouvaient comprendre. Cela nous concerne : quel langage parlons-nous ? Annoncer,
lors de la prédication, que Jésus-Christ est le seul Seigneur est normal. Mais quand on est à l’extérieur, quand l’Eglise prend position (sur l’écologie, la violence, l’injustice…) ce qu’elle se doit de faire au nom de l’Evangile, dans quel langage le fait-elle ? Comme Jonas a su parler
« ninivite » avec les Ninivites, il nous faut savoir parler la langue de notre monde, au nom de l’Eternel, pour pouvoir se faire entendre et pouvoir se faire comprendre. Il arrive que notre
mission ne soit pas de convertir mais d’avertir…


Dieu voit que ce ne sont pas de vains mots, de vaines prières qui sortent de la bouche des Ninivites mais bien leurs actes qui changent aussi. Et Dieu regrette (3.10). Oui, le Dieu de la
Bible est capable de regretter et de changer d’avis. Il devait secrètement espérer que sa Parole, transmise par Jonas, aurait cet effet. Autrement, pourquoi envoyer Jonas prêcher dans
ce qui serait un désert ?… C’est encore une bonne nouvelle pour nous !

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