Luc 24,13-24 : Avancer dans la foi, au rythme des jours…
Prière d’illumination
Nous prions Dieu avant de lire les Ecritures, afin qu’elles deviennent pour nous Parole de vie.
Père, nous pouvons t’appeler ainsi parce que tu nous as parlé, parce que des croyants nous ont transmis leurs expériences et leurs témoignages.
Parfois tu nous parais lointain, silencieux, mais nous avons entendu parler de toi et nous savons que nous sommes importants pour toi.
Nous te remercions d’avoir comblé toi-même la distance qui nous sépare de toi, en nous donnant Jésus-Christ.
Tu nous l’as dit dans ce livre que nous appelons la Bible.
Tu nous invites à redécouvrir le trésor que tu y as mis pour chacun de nous. Fais-nous maintenant cette grâce. Amen.
Luc 24,13-24
Et voici que ce même jour, deux d’entre eux allaient à un village nommé Émmaüs, éloigné de Jérusalem de soixante stades, ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé.
Pendant qu’ils s’entretenaient et discutaient, Jésus s’approcha et fit route avec eux.
Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Et ils s’arrêtèrent, l’air attristé.
L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui séjourne à Jérusalem et ne sache pas ce qui s’y est produit ces jours-ci ?
— Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui s’est produit au sujet de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, et comment nos principaux sacrificateurs et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié.
Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël, mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces événements se sont produits.
Il est vrai que quelques femmes d’entre nous, nous ont fort étonnés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et, n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges leur sont apparus et ont déclaré qu’il est vivant.
Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu.
Alors Jésus leur dit : Hommes sans intelligence, et dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes !
Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte et entrer dans sa gloire ?
Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.
Lorsqu’ils furent près du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.
Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour rester avec eux.
Pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux.
Et ils se dirent l’un à l’autre : Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ?
Ils se levèrent à l’heure même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les onze et leurs compagnons, qui leur dirent : Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon. Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain.
Voici que ce même jour…commence le texte. Ce jour-là est le jour de la résurrection, nous sommes au matin de Pâques !
Quelle idée que de choisir ce texte alors que nous nous apprêtons à entrer dans le temps de l’Avent et que nous commençons peu ou prou à avoir Noël en tête.
C’est que, ces derniers temps, parmi toutes les expressions que nous entendons, toutes les réflexions qui circulent, deux ont particulièrement retenu mon attention.
La première est qu’on est dans, on vit une situation particulière. Et on n’en finit pas de s’interroger, de décrypter dans les moindres détails cette situation particulière. Qui, soit dit en passant, dure depuis presque un an maintenant.
L’autre réflexion qui m’a interpellée, est celle du rythme. Le rythme de nos vies, de notre monde. Rythme cassé, rythme ralenti, rythme à réinventer. La course effrénée du monde et de nos quotidiens est grippée, l’impossibilité de sortir, de nous retrouver entre amis, en famille, nous oblige, nous impose à avoir du temps chez soi, pour soi.
J’ai cherché dans ma concordance biblique et, sauf erreur de ma part, le mot « rythme » n’existe pas dans la Bible.
Et c’est vrai que j’ai, personnellement, cette image, cette impression que Jésus laissait le temps venir à lui, laissait le temps faire son œuvre. Je n’imagine pas Jésus avec un agenda, casant des rendez-vous, des déjeuners, des conférences.
Les gens venaient à lui, il s’arrêtait, les enseignait.
Quelqu’un l’interpellait, il allait partager le repas avec lui.
Quelqu’un se mettait en travers de sa route : il changeait ses plans au risque de faire attendre un autre, qu’il n’abandonnait pas pour autant.
Et je me suis demandée si les disciples avaient vécu une situation particulière mais une situation désagréable comme la nôtre. Et c’est là que j’ai pensé à ce texte.
Que font les disciples dans cette situation particulière.
A la lecture du texte, on mesure combien ils sont déboussolés.
« Nous espérions que ce serait lui » qui nous délivrerait
Brutalement, et quand on parle d’une mort sur la croix, la brutalité n’est pas un euphémisme. Brutalement, du jour au lendemain, leur avenir a été réduit à néant.
Ils ont suivi cet homme : pour rien
Ils ont tout quitté : pour rien.
Penser à demain, c’est impossible.
Et aujourd’hui ? quelques femmes qui divaguent. Pourtant quand ils cheminaient avec Jésus, imaginer l’inenvisageable, vivre l’impensable était l’ordinaire des jours ou presque.
Ils n’arrivent plus à croire que c’est encore possible.
Dans cette situation particulière qui est la leur, les disciples réagissent ici de deux manières différentes.
Il y a ceux qui se terrent. C’est qu’ils risquent le même sort que Jésus s’ils se font prendre.
Et il y a nos deux compères, qui partent, qui fuient ce quotidien pesant, étouffant. Qui tentent de fuir ce passé habité d’une réelle espérance, d’une réelle conversion, d’un réel engagement de leur part.
Ils tentent de fuir parce qu’on a beau mettre de la distance entre nous et ce qui nous mine, tant que la blessure n’est pas cicatrisée, la douleur est là. D’ailleurs, leur conversation c’est parler de ça. Comme nos conversations tournent autour de ça !
Fuir ou se terrer, ça ne fait pas très glorieux quand même. C’est tout ce qu’ils ont retenu des trois années passées avec Jésus, à vivre avec lui au quotidien, à faire partie du cercle privilégié ?
Ça n’est peut-être pas très glorieux mais au final, les uns et les autres reconnaîtront que les femmes ne divaguaient pas. Ils feront tous leur propre rencontre avec le Christ ressuscité.
Et le rythme change et s’accélère, pour le meilleur !
Les deux hommes tentent de figer le temps. A nouveau. Car c’est peut-être ce qu’ils n’ont pas compris durant ces trois années. Ils n’étaient pas dans une bulle. Ils n’étaient pas hors du temps, hors du monde. Jésus, c’est l’incarnation, Dieu qui vient à hauteur d’homme, qui revêt la fragilité humaine.
L’Evangile s’inscrit dans un temps, une époque ; dans chaque temps, dans chaque époque. Encore aujourd’hui, l’Evangile s’inscrit dans notre temps, dans notre époque, dans notre situation particulière.
Et notre situation particulière rejoint celle des disciples à Emmaüs et leur désir de figer. Notre Eglise était…figée c’est peut-être fort, elle avait sa routine, son rythme, régulier, cadencé. C’était pratique, on pouvait noter les assemblées générales, les repas, journée de vente, cultes spéciaux et autres réunions sur nos agendas : tout était prévu, organisé pour avoir sa place dans nos vies trépidantes.
Et voilà que tout par à vau l’eau.
Il y en a bien qui divaguent nous parlant que la nouvelle technologie peut nous aider…il aura fallu deux confinements pour qu’on se lance et qu’on puisse trouver nos cultes filmés sur la toile.
Il y a ceux qui radotent : ecclesia reformata semper reformanda ! l’Église réformée est toujours à réformer…il y a toujours quelque chose à réinventer, à imaginer autrement pour s’accorder avec la situation particulière d’aujourd’hui.
Alors, c’est vrai. On se terre ou on fuit, et comme les disciples d’Emmaüs, quand une lueur apparaît on tente de l’enfermer.
Mettez une bougie sous une cloche bien hermétique, ça rappellera peut-être des cours de chimie à certaines ou certains d’entre vous mais le résultat sera là : une bougie qui s’éteint.
Et non, Jésus se dérobe quand on veut l’enfermer. Pas pour se moquer de nous. Juste parce que la Bonne nouvelle de l’Evangile ne nous veut pas statiques. D’ailleurs c’est au pas de course que les disciples repartent !
Ils ont fait cette belle expérience qu’au milieu de cette situation particulière, Dieu est là, le Christ ressuscité est auprès d’eux.
« Notre cœur ne brûlait-il au-dedans de nous » …quelle belle phrase.
Dans n’importe quelle situation particulière, le bonheur, la joie, la vie, la rencontre avec le Ressuscité sont possibles.
Je nous souhaite à tous cette rencontre, une première rencontre ou une rencontre à nouveau. Les disciples n’y croyaient plus pourtant c’est bien leur maître et ami qu’ils ont rencontré à nouveau.
Qu’à cette veille de l’Avent, qui nous mènera à l’enfant de la crèche, notre cœur brûle au-dedans de nous par cette rencontre avec le Christ Vivant. Amen.